La vie et la mort du roi jean
La Vie et la mort du roi Jean
Histoire en cinq actes de William Shakespeare
Comme dans toutes les pièces historiques de Shakespeare, la guerre pour la possession du pouvoir est au cœur de la tragédie. L’intrigue, centrée autour de la succession de Richard Cœur de Lion, a pour figure centrale le jeune Arthur Plantagenêt, duc de Bretagne, héritier du trône d’Angleterre, dont Jean usurpe le pouvoir. Mais les manigances du roi se retourneront contre lui, provoquant rébellion de ses vassaux et guerre contre la France. La pièce rappelle également les incidents relatifs à la lutte contre la cour de Rome. Ainsi, Jean sans Terre, au terme de la pièce, a perdu l’héritage continental de son père Henri II Plantagenêt qui s’étendait de la Normandie à l’Aquitaine. Il n’est plus que le roi d’Angleterre. L’histoire mettant en scène des personnages de France et d’Angleterre, la pièce sera interprétée par des comédiens natifs des deux pays, rappelant ainsi ce temps ancien ou la France continental et l’Angleterre insulaire partageaient langues, rois et terres.
Terrain vague pour guerre de succession
LA VIE ET LA MORT DU ROI JEAN, cette pièce méconnue de Shakespeare fait polémique : d’aucuns considèrent la pièce comme mineure, d’autres s’abstiennent d’en parler – ce qui est peut-être pire. Sa dernière représentation en France date d’il y a presque trente ans dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes pour le Festival d’Avignon. Il est vrai que cette « Histoire » est singulière : vaste chronologie, géographie insulaire et continentale, étranges omissions qui portent atteinte à une poésie dont le lyrisme est parmi le plus noble chez Shakespeare.
Les personnages féminins dont la parole est si rare dans le théâtre classique campent ici des caractères nobles et puissants. Trois femmes de pouvoir à trois âges différents de la vie : la jeune Blanche d’Espagne, Constance de Bretagne, mère du jeune Arthur prétendait au trône d’Angleterre, et enfin la reine Aliénor d’Aquitaine, celle qui régna aux côtés de Henri II Plantagenêt sur la moitié de l’Europe médiévale. Ces femmes d’exception au cœur du pouvoir — sans doute les plus beaux caractères féminins des Histoires de Shakespeare — dépassent la condition qui leur a été si souvent assignée en prenant pleinement part au jeu politique. Blanche par son alliance avec le Dauphin tente de contrer la guerre avec le roi d’Angleterre dont elle est la nièce ; Constance en s’associant au roi Philippe-Auguste souhaite infléchir la succession de Richard Cœur de Lion pour son fils ; Aliénor, reine suprême, place sur l’échiquier ses pions sans pitié pour les siens. À leurs côtés, les volontés des hommes semblent mesquines et veules, et déprécient d’autant plus leurs actions qui n’apparaissent que comme des « réactions » à ce que dictent ces femmes — semblant ainsi tenir entre leurs mains les destinées des royaumes de France et d’Angleterre.
De plus, en recentrant la dramaturgie de LA VIE ET LA MORT DU ROI JEAN autour d’Arthur de Bretagne, prince héritier et victime innocente de la lutte pour la couronne d’Angleterre, je pense inscrire la pièce dans la lignée des grandes tragédies shakespeariennes. En dévoilant un aspect intime de par la présence et l’absence de l’enfant, la mise en scène présentera le trépas douloureux du roi Jean comme le châtiment mérité de ce meurtre.
Il s’agit enfin de mettre en lumière la période trouble du Moyen-Age, époque obscure où la chevalerie défendait l’honneur sans pour autant ignorer la fourberie. C’est l’antichambre du pouvoir qui se dévoile ici : toutes les tractations diplomatiques nécessaires pour parvenir à ses fins. Les batailles semblent accessoires. La guerre est un décor, une toile de fond. C’est en ça que la pièce me semble préfigurer la tragédie française : les personnages ont renoncé au fracas et au panache du champ de bataille pour le conciliabule et l’aparté. Mais la parole s’y développe selon un art politique, telle une joute rhétorique, et l’opportunisme et le cynisme côtoient sans sourciller le pathos et l’innocence. Il n’y a finalement pas de héros ici, il n’y a que des êtres humains avec tous leurs défauts : égoïsme, rancœur, lâcheté, opportunisme. C’est pourquoi cette pièce nous tend véritablement un miroir : la politique est fourbe, la famille est traître, l’honneur est versatile. De cette noirceur d’âme qui caractérise les puissants de ce monde, la mort de l’enfant devient le symbole sublime et tragique, et la douleur de Constance se déploie dans un long chant funèbre, lamentation qui nous apparaît comme le lointain écho de la triste mort d’Hamnet, le fils de Shakespeare.
Olivier Dhénin Hữu
Bible
Avec Joshua Tyson, Zoé Schellenberg, Paul Hamy, Alexis Manenti, Loïc Mobihan, Marjorie Hertzog, François Pouron, Alyzée Soudet, Dasha Bugaeva
Matériau textuel William Shakespeare
Mise en scène et scénographie Olivier Dhénin
Lumière Anne Terrasse
Costume Hélène Vergnes
Dramaturgie Chloé Pottier
Assistant à la mise en scène Corentin Veaute
Assistant à la scénographie Arturo d’Agostino
Maitre d’armes Paul Allègre
Régie artistique Thibaut Lunet
Régie plateau Héloïse Fizet
Création

Représentations
Saisons 2025/2026/2027
Nogent-sur-Marne, La Scène Watteau
Pau, Théâtre Saint-Louis
Rochefort, Arsenal Maritime
Durée du spectacle 120 minutes
Production
Winterreise Compagnie Théâtre – Scène Watteau